Élisez le circuit des 24 Heures du Mans monument préféré des Français 2024
Le circuit des 24 Heures du Mans est en lice pour devenir le monument préféré des Français 2024. Les votes sont ouverts jusqu’au 24 mai 2024 23 h 59.
Lire l'article24h Le Mans
De tous les records existants, celui qui concerne la distance totale parcourue est le plus convoité. Réaliser une course parfaite, sans la moindre anicroche, est le rêve de toute équipe au départ des 24 Heures du Mans. Au fil des éditions, les engagés n’ont cessé de repousser cette marque, sans pour autant atteindre un nombre symbolique : 400 tours.
Dans les années 1920, peu après la création de l’épreuve, les concurrents ne se vantaient pas de leur vitesse sur un tour ou de leur absence de pépins mécaniques. Dans les publicités, seule était mise en avant la distance parcourue, que l’on peut traduire en un nombre de tours effectués. Les 24 Heures du Mans représentaient une occasion parfaite pour décrocher le record de distance couverte sur route en 24 heures, beaucoup plus global.
Forcément, le nombre de boucles dépend de la configuration du circuit. Plus il est long, plus le total des tours réalisés est faible à moyenne horaire égale. C’est pourquoi il est d’usage d’utiliser cette dernière mesure plutôt qu’un nombre fixe. Mais force est de constater qu’elle est moins visuelle même si plus précise. Et peu importe le tracé, jamais la barre symbolique des 400 tours n’a été franchie en 92 éditions.
Comme pour la pole, une performance telle requiert un véritable alignement des planètes. Ici, il n’est pas question d’un tour ; tous les paramètres nécessaires à la réussite voient leur importance décupler. En plus des invariables telles que le règlement (qui a parfois limité la consommation, la vitesse des voitures, l’aérodynamique…), la piste doit être optimale pendant 24 heures, les sorties des voitures de sécurité peu nombreuses, et les pannes mécaniques proscrites. Dame Nature, bien sûr, joue les premiers rôles. Impossible d’espérer atteindre ce record si la météo mancelle fait des siennes.
Lors de la première édition en 1923, par exemple, rien n’allait en ce sens. Les cieux se déchaînaient sur les concurrents, le règlement ne poussait aucunement les participants à aller le plus vite possible, la piste était jonchée de cailloux et les voitures étaient d’origine. La Chenard & Walcker Sport #9, autrice de la plus grande distance – et donc victorieuse aux yeux du public – réalisa 128 tours en 24 heures. Neuf ans plus tard, l’Alfa Romeo 8C triomphante en réalisait 200. Le circuit était bien différent, certes, mais la distance de course reste corrélée au nombre de tours réalisés.
Les balbutiements des 24 Heures du Mans étaient marqués par une forte progression globale. Des pneus, mais aussi, de la fiabilité, de l’état des routes, et tout ce qui s’en suit. En 1939, la Bugatti Type 57G gagnante couvrait 248 tours, soit 1145 km de plus que la Chenard & Walcker.
Les 300 tours ne se sont pas fait attendre. En 1953, Jaguar choque la concurrence en équipant sa Type C de freins à disque, les premiers de l’histoire. Ce changement fait toute la différence. Depuis, une seule voiture victorieuse a parcouru moins de 300 tours en 24 heures. En 1995, la pluie incessante et les nombreuses péripéties ont conduit au succès surprise d’une McLaren F1 GTR au bout de 298 boucles.
À travers l’histoire et les tracés différents, quelques élus seulement se sont approchés des 400 tours, sans jamais pouvoir les atteindre. L’ajout de chicanes dans les Hunaudières en 1990 a ralenti les voitures ; pour autant, les progrès s’en moquent. Sur les treize éditions terminées en plus de 380 tours, neuf datent d’il y a moins de dix-huit ans.
Certains triomphes frôlent l’anachronisme. Lorsque Ford se met en tête de remporter les 24 Heures du Mans et de battre Ferrari, les moyens ne manquent pas. Ceci conduit à la production de la fameuse GT40, extrêmement performante. En 1967, Dan Gurney et A.J Foyt remportent le double tour d’horloge en couvrant 388 tours, soit plus de 5000 kilomètres. Une première.
On pensait ce total tranquille pour un moment lorsque le nouveau règlement fut présenté en 1968. Mais l’arrivée de la mythique Porsche 917 en 1969 rebat les cartes. Ce prototype exceptionnel, aussi effrayant que véloce, ne tarde pas à établir un nouveau record de la piste et, en 1971, un nouveau record de la distance. Helmut Marko et Gijs Van Lennep réalisent 397 tours du Circuit des 24 Heures du Mans à bord de leur 917 K, soit 5335 kilomètres. Seulement 40 kilomètres les séparaient des 400 boucles, mais à ce rythme fou, cela n’est rien de moins qu’une odyssée.
C’est toujours la même chanson : le circuit subit des modifications majeures, comme en 1972, mais les voitures redeviennent plus fortes qu’avant. Les Groupe C, au début des années 1980, viennent titiller toutes les marques précédemment établies. En 1988, la Jaguar XJR-9 LM de Johnny Dumfries, Jan Lammers et Andy Wallace effectue 394 tours du circuit en 24 heures. Un an plus tard, la Sauber-Mercedes C9 en fait 389. Puis, les chicanes sont arrivées, mettant un nouveau coup d’arrêt à cette chasse ininterrompue.
Mais une fois de plus, l’innovation s’est relevée, plus forte encore. L’Audi R8, terriblement bien pensée et solide, relance la marque aux anneaux à la conquête des plus hautes distinctions automobiles. Sa successeuse, la R10 TDI, est le premier diesel à s’imposer en 2006. Elle retrouve les 380 tours pour la première fois depuis 1989. Malgré ce changement majeur, les prototypes ne sont pas plus lents. Cette montée en puissance des LMP1 aux moteurs ronflants est parachevée en 2010 par la victoire de l’Audi R15 + TDI, pilotée par Timo Bernhard, Romain Dumas et Mike Rockenfeller.
Ensemble, les trois hommes réalisent 397 tours, et par la même occasion, le record de la distance avec 5410,7 km parcourus. C’est titanesque ; cela aurait suffi à en faire 400 sur le circuit de 1971. Mais plus en 2010. Les prototypes hybrides – à partir de 2012 – peuvent se targuer de couvrir plus de 380 tours régulièrement, mais le record tient toujours, 14 ans plus tard. D’autres s’en sont approchés ; De 2018 à 2020, la Toyota victorieuse ne passe jamais sous les 385 tours en 24 heures ; un véritable exploit compte tenu du nombre de faits de course majeurs qu’une écurie peut rencontrer sur une seule édition.
En 2015, cependant, Porsche aurait pu aller le chercher. La firme de Zuffenhausen, avec ses trois 919 Hybrid, avait une bonne chance malgré la concurrence acharnée. Nico Hülkenberg, Earl Bamber et Nick Tandy ont coupé le drapeau à damier au bout de 395 tours d’épreuve, sans avoir fait une seule erreur.
Les Hypercar, en Sarthe depuis 2021 seulement, n’en sont qu’à leurs débuts. Ainsi, il est tout à fait normal que la distance réalisée au Mans soit moindre depuis la naissance de cette catégorie, comme c’est quasiment toujours le cas suite à l’introduction d’une nouvelle réglementation. En 2023, La Ferrari 499P de James Calado, Antonio Giovinazzi et Alessandro Pier Guidi a couvert 342 tours, alors que la course a été marquée par de nombreux rebondissements notamment en raison de la météo.
Ce record est-il inatteignable ? Il y a peu, on pensait que jamais la barre des deux heures ne serait approchée par les marathoniens, et c’est désormais l’objectif de nombreux coureurs de très haut niveau. De même, on pensait sans doute en 1923 que les 4000 kilomètres étaient infranchissables. L’évolution des techniques, l’innovation caractéristique favorisée par l’ACO et les prouesses des pilotes laissent rêveur. Et puis, cent ans d’histoire des 24 Heures nous prouvent une chose : les ingénieurs ne connaissent pas la signification du mot « impossible ».